La nuit des Camisards,
pièce de Monsieur Lionnel Astier- Spoiler:
ce compte rendu vient du forum des Forenpoms. nous nous sommes retrouvés à 14 pour aller voir la pièce de Lionnel Astier. cela s'est passé le 25 juillet 2009 et nous nous en souviendrons longtemps !
La pièce se joue à Saint Jean du Gard, dans les Cévennes, haut lieu du protestantisme.
Au fond du village se trouve un château, le château de Cabrières, d’où les spectateurs partent à la nuit tombée.
Quand le soir arrive, nous partons à travers les bois… Au cours du chemin, des personnages apparaissent pour déclamer des textes qui informent sur le contexte de l’action de la pièce. Nous partons petit à petit en 1702… l’édit de Nantes d’Henri IV (qui accordait la liberté de culte aux protestants) a été révoqué par Louis XIV en 1685.
Le Roi Soleil veut une seule religion pour son territoire. Les Huguenots (protestants francais) doivent désormais se cacher pour pratiquer le culte.
Une région de France résiste malgré tout, malgré les conversions forcées au catholicisme : les Cévennes.
Les dragonnades (conversions forcées) ont au final exalté les passions et ravivé la Foi.. Louis XIV envoie soldats, missionnaires et veut à tout prix écraser et faire disparaître le Protestantisme.
Dans les villages cévenols, la confusion règne. Catholiques forcés depuis 17 ans, les habitant restent protestant de cœur, et des messes sont dites dans les bois, en cachette. A leurs risques et périls… s’ils sont dénoncés ou surpris, ce sont les galères ou la mort pour les hommes, la prison et la confiscation des biens pour les femmes.
Exaltés, torturés, malmenés, certains hommes portent la Parole à travers les villages. Ce sont les Prédicants… A leur tour massacrés, arrive une génération de jeunes encore plus portés par leur Foi : les prophètes ou « inspirés »…
Nous arrivons dans un coin de forêt ou un autel de terre cerné d’arbres sert de théâtre…
La nuit est tombée maintenant
Nous attendons…
Seuls des arbres et des arbustes nous entourent….
Une lumière s’allume… Elise Bonnal fait son entrée…
Elise Bonnal est une mère cévenole, qui va à la messe pour « ne pas avoir d’ennui » mais recrache soigneusement l’hostie sur le chemin du retour : son cœur est resté protestant. Son mari a été tué et elle a bien du mal avec ses deux fils, tous deux révoltés par les souffrances et les humiliations subis par leur peuple.
C’est le temps des assemblées secrètes, la période du Désert.
Ses fils écoutent les « inspirés » et veulent vivre leur Foi et libérer leurs frères… Pour l’un la violence est la seule réponse, pour l’autre il faut se rassembler et se retrouver avant toute chose.
D’autres personnages arrivent… un prêtre catholique conciliant et humain, un jeune séminariste fougueux qui voit le diable partout… un médecin de Montpellier chargé d’autopsier les corps des protestants pour découvrir leurs différences… des inspirés qui portent la parole de Dieu…
Dans la région sévit l’Abbé du Chayla. Cet homme impitoyable était l'agent de l'intendant du Languedoc, chargé de faire appliquer la répression en Cévennes.
Les destins se croisent… Elise Bonnal veut sauver ses fils, le médecin aide les huguenots à s’enfuir et se cacher… l’Abbé du Chayla torture et exécute… les « inspirés » appellent à la révolte..
Au final c’est la cruauté et la forte répression de l’abbé qui fera basculer le Destin de cette population.
François de Langlade du Chayla est tué le 24 juillet 1702 et sa mort marque le début de la guerre des Camisards, nommée à l'époque guerre des Cévennes. C’est le point de départ de cette guerre improbable qui verra, durant deux ans, 2 500 Camisards affronter 30 000 soldats du roi.
La pièce s’achève.
Nous repartons dans la nuit… Un petit bout de chemin bien nécessaire pour revenir à l’an 2009…
De retour au château, Lionnel Astier est là, accompagné d’un historien dont j’ai oublié le nom (qu’il me pardonne). S’ensuit un débat passionnant sur cette période de l’Histoire peu connue.
Alors évidemment, à titre personnel, j’ai été extrêmement touchée par cette pièce. Gardoise, fille d’un catholique et d’une protestante, l’Histoire rejoint aussi un peu ma toute petite histoire à moi, et c’est très très émouvant.
Dire que La Nuit des Camisards est un spectacle me parait un peu court. C’est bien plus que ça. C’est du théatre, de l’Histoire, de la magie, la communion avec la Nature.. c’est aussi de l’humour… n’oublions pas que l’auteur est Lionnel Astier ! Avec le grand talent qu’on lui connaît, il nous montre ses personnages, avec tous leurs cotés humains ; donc l’humour aussi…
Je voudrais aussi souligner l’excellent, le merveilleux travail du metteur en scène, Gilbert Rouvière, grâce à qui les Cévennes sont sublimés et utilisées comme un acteur à part entière. Le jeu des lumières est fascinant.
Et bien sur, un grand grand bravo aux acteurs ! Alors évidemment, nos acteurs de cœur tout d’abord, Madame Josée Drevon et Monsieur Philippe Noel. Mais aussi tous les autres comédiens qui jouent avec leur cœur, leur âme…
Distribution :
Mise en scène de Gilbert Rouvière
Avec (par ordre d'entrée en scène)
Philippe Noël - Père Gabriel
Gabriel Rouvière - Frère Mathias
Thomas Trigeaud - Salomon Bonnal
Josée Drevon - Elise Bonnal
Thomas Bédécarrats - Péïré
Jacques Mazeran - Abraham
Richard Mitou - Samuel Bonnal
Gilbert Rouvière - Dr Emilien Lavigne
Frédéric André - Aguilhon
Frédéric Borie - Abbé du Chaila
Jean-Marie Frin - Joseph Bastide
Sabine Moindrot - Marie la Noire
Alexandre Charlet - Capitaine Escalier
Scénographie : Gilbert Rouvière
Lumières : Maurice Fouilhé et Guillaume Allory
Costumes : Karin Elmore
Plateau : Frédéric André
Son : Adrien Cordier
Assistante mise en scène : Valérie Gasse
Assistante scénographie : Marie Frin
Assistante costumes : Yumiko Shiono
Administration : Carole Mir
Assistante de production : Rafaële Lauras
Infos diverses :La période du Désert :
Le terme du Désert vient de la bible, de l'époque où les juifs, chassés se retrouvèrent dans le Désert pour y pratiquer leur religion. Le terme fut repris pour imager les assemblées qui avaient lieu dans des clairières, des grottes...
L'édit de Nantes,
- Spoiler:
signé en avril 1598, par Henri IV, par lequel le roi de France reconnut la liberté de culte aux protestants, selon plusieurs limites et leur concéda deux principaux « brevets » : un nombre important de places de sûreté en garantie (environ 150) et une indemnité annuelle à verser par les finances royales.
Henri IV lui-même était un ancien protestant, et avait choisi de se convertir au catholicisme afin d'accéder au trône. La promulgation de cet édit mit fin aux guerres de religion qui ont ravagé la France au XVIe siècle, et constitue une amnistie mettant fin à la guerre civile.
À partir des années 1660, une politique de conversion des protestants au catholicisme fut entreprise par Louis XIV à travers le royaume. Elle s'exerce par un travail missionnaire, mais aussi par diverses persécutions, comme les dragonnades. Les dragonnades consistent à obliger les familles protestantes à loger un dragon, membre d'un corps de militaires. Le dragon se loge au frais de la famille protestante, et exerce diverses pressions sur elle.
Cette politique de conversions plus ou moins forcées fut efficace, au moins officiellement, et on vit se développer une pratique clandestine du protestantisme, chez de nouveaux convertis au catholicisme.
Le nombre de protestants « officiels » chuta fortement, et l'édit de Nantes, formellement toujours valide, fut vidé de son contenu.
La révocation définitive (1685)
Pour achever cette politique, Louis XIV révoqua le versant religieux de l'édit de Nantes en signant l'édit de Fontainebleau, contresigné par le chancelier Michel Le Tellier, le 18 octobre 1685. Le protestantisme devenait dès lors interdit sur le territoire français.
Cette révocation entraîna l'exil de beaucoup de huguenots, affaiblissant l'économie française au bénéfice des pays protestants qui les ont accueillis : l'Angleterre et ses colonies de la Virginie et de la Caroline du Sud, l'Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas et ses colonies du Cap et de la Nouvelle-Amsterdam, cette dernière anciennement située sur le territoire du New York et du New Jersey d'aujourd'hui. On parle très approximativement de 300.000 exilés, dont beaucoup d'artisans ou de membres de la bourgeoisie.
La révocation de l'édit de Nantes a aussi eu pour conséquences indirectes des soulèvements de protestants, comme la guerre des camisards des Cévennes, et une très forte érosion du nombre des protestants vivant en France, par l'exil ou la conversion progressive au catholicisme.
Source wiki
Un site à visiter :
http://www.camisards.net/guerrecami-fr.htmDes photos du spectacles ici :
http://www.zinctheatre.com/photos/p27-cam.htmlGilbert Rouvière, metteur en scène parle du spectacle :
Au début il y avait la veillée. Des histoires racontées dans les nuits cévenoles. Des histoires de héros, de fierté et d'orgueil. Des histoires de mes ancêtres, pleines de bruits et de fureur. Camisards, maquisards mon grand-père peuplait mes nuits de ces fantômes que nous allons vous livrer aujourd'hui. Dans mon imaginaire d'enfant, camisard était un métier qui m'aurait bien plu. Vers l'âge de dix ans, j'ai du laisser tomber la lutte armée. La prophétisation m'allait mieux. Je me mis donc à faire du Théâtre. Comme si les mots étaient encore les seuls qui nous permettent réellement aujourd'hui de résister.
Plus qu'un hommage, une évocation, le texte de Lionnel est un texte de Théâtre. C'est un texte avec de l'humour, du sérieux, et de la gravité. C'est une fiction avec des personnages, des bons, des méchants, des pas si blancs, et des pas si noirs, tous porteurs d'une humanité, tous nous renvoyant à nous-même.
Aussi partant des camisards, ce texte nous parle de tous les conflits, de ceux d'aujourd'hui, de la folie du monde, mais aussi du désespoir de ceux qui un jour prennent les armes. Il nous parle de la révolte et de l'espoir qu'elle soulève, il nous parle d'humanité.
Au centre du spectacle, il y a la forêt. Au milieu de la forêt, nous jouerons le spectacle. Sans gradins, les spectateurs y sont conviés comme aux assemblées " du désert ". Des acteurs sans artifices, la parole comme arme, pour un western en Cévennes.
Point de reconstitution historique, des costumes entre hier et aujourd'hui.
Notre souhait est de faire (un peu) souffler l'Esprit… et de vous distraire.
Gilbert Rouvière.
Source :
http://www.camisard.org/pour l'anecdote : le jeu d'acteur est très physique dans ce spectacle. ils courent beaucoup (et souvent dans le noir)... sachez que Philippe Noel a fait tout le spectacle avec un orteil cassé, sans boiter une seule fois... chapeau !